Vers 1800, il existait un pont, œuvre de Dupin, qui consistait en une succession de bateaux plats reliés entre eux par des chaînes en biais où l’on pouvait passer avec une extrême précaution. Cette situation devenait insupportable.
Napoléon demanda en 1812 la construction d’un pont qui devait être la prolongation indispensable du pont de Bordeaux : « il était nécessaire à la prospérité de cette ville et à la communication la plus directe et la plus fréquentée de Paris à Madrid. Cette manière, disait l’Empereur, de traverser en bateaux les rivières ne convient plus à un pays aussi civilisé que la France. Elle tient encore à un reste de barbarie dont les traces doivent être effacées. Il faut que dans toutes les directions, on puisse se rendre du centre aux extrémités de l’Empire sans exprimer de difficultés ni le plus léger retard. » Les oppositions successives d’un libournais, le duc Élie Decazes, retardèrent la construction. « Ce pont gênerait la circulation fluviale et ruinerait le port de Libourne », disait-il.
En 1821, un bac à manège remplaça le vieux pont et en 1834, le roi Louis-Philippe demanda à nouveau la construction d’un pont.
Les travaux commencèrent finalement cette année là. Ils prirent beaucoup de retard et causèrent de nombreux préjudices aux habitants qui durent supporter les remblais sur les chemins vicinaux. Ce pont serait l’œuvre de Basilide Billaudel, ingénieur des Ponts et Chaussées et maire de Bordeaux en 1848. Sa longueur était de 545 mètres. Il était formé de cinq travées d’égale ouverture que supportaient quatre piles en rivière et deux culées bâties en pierre. Sa largeur était de 6,50 mètres et celle de la chaussée de 5,70 mètres. De part et d’autre du pont, on avait aménagé une chaussée qui s’élevait en pente douce sur des arceaux de 12 mètres de hauteur, liés entre eux par des voûtes en plein cintre sur les côtés et en ogive à l’intérieur.
Ce magnifique pont de Cubzac est inauguré le 17 août 1839 par le duc Ferdinand-Philippe d’Orléans, fils du roi, et la duchesse Marie-Amélie. Le pont avait coûté, une fois terminé, la somme de 4 millions de franc or ! Cette somme devait être récupérée grâce au droit de péage qui se présentait sous la forme d’une taxe à payer à l’entrée du pont.
Le 2 mars 1869 débuta la terrible agonie du pont. Une violente tornade arracha le balancier d’une colonne. Il était devenu inutilisable et dangereux. De force, on revint au chaland traîné par un vapeur.
A partir d’octobre 1870, grâce à l’intervention du conseiller général du canton, Henri Hubert-Delisle, on mit en place un bac à vapeur.
En 1873, les premiers travaux commencèrent sous la direction d’un jeune ingénieur nommé Gustave Eiffel…
Avril 2020
Les plus anciennes traces du port de Cubzac remontent au 24 avril 1289 : « cum portum de Cubzaco » : c’était une petite jetée gérée par Pierre Itier, bailli de Bourg.
C’est à cette époque que le marché de Saint-André a été créé, profitant du passage des voyageurs et du transit des marchandises à Plagne. Plagne prit son essor en raison de la proximité avec le centre de Saint-André et des actions protectrices du seigneur du Cubzaguais. C’est ce marché qui a relancé l’économie locale et qui a entraîné la reconnaissance de la seigneurie du Cubzaguais par le roi d’Angleterre en 1341. Au XVIe siècle, Cubzac était devenu un passage de la Dordogne fréquenté.
Les Jacobins de Bordeaux entretenaient la jetée tandis que le seigneur du Cubzaguais entretenait le port de Plagne.
Les taxes et les droits de passage étaient fixés par des arrêts du parlement de Bordeaux. Au XVIIe siècle, Cubzac devient une étape de la route postale reliant Paris à Bordeaux. On construisit au XVIIIe siècle un bateau spécialement destiné à traverser la rivière.
Lorsque les voyageurs arrivaient de Bordeaux, ils accostaient sur un ponton. Ils remontaient la route du port et se dirigeaient vers le bourg de Saint-André. Le réseau routier médiéval était en fait assez proche du réseau actuel. Au XIXe et au début du XXe siècle, les gabares emportaient le vin du canton qui était stocké dans des chais. La douane était bien sûr présente et s’était installée dans la maison à côté de l’Hôtel des Princes, dont nous vous raconterons l'histoire un prochain jour.
Avril 2020
Il y a 76 ans (1944), les ponts de Cubzac étaient détruits. Lorsque fut avérée définitive la rupture du front de Normandie, les troupes allemandes stationnées dans le Sud-ouest entreprirent vers le Nord-est, le mouvement de repli imposé par les circonstances. Les troupes stationnées en Aquitaine et relevant du commandement de Bordeaux reçurent l’ordre de couvrir leurs arrières par des destructions systématiques des ponts. L’obstacle naturel que constitue la Dordogne fut au contraire systématiquement utilisé. En 24 heures, plusieurs ponts importants sautèrent sur le cours inférieur. Et parmi eux, le 28 août à 21 h 20, deux ponts construits à 800 mètres l’un de l’autre, sur la commune de Cubzac-les-Ponts, assurant l’un par la route, l’autre par la voie ferrée, la liaison Bordeaux-Saintes. Depuis le 21 août 1944, les allemands étaient en retraite. Alors que les derniers soldats étaient passés depuis la veille, le lundi 28 août, vers 16 heures, arrivèrent successivement deux groupes de cyclistes, drapés dans leur tenue de camouflage et munis d’armes automatiques. En face du carrefour de la mairie de Cubzac, l’officier fit aligner ses hommes de part et d’autre de la route, à cinq mètres les uns des autres. Survinrent alors cinq ou six autres soldats, à bicyclette également, portant sur leurs épaules des sortes de boîtes contenant des magnétos de mise à feu. C’est à travers la double haie de soldats, qui leur présentaient les armes, que cette équipe défila en silence en direction des ponts. A 21 heures 15, une fumée monte au-dessus des ponts et deux explosions font trembler l’air et le sol. Les fenêtres et les portes du château Terrefort-Quancard, à 500 mètres, sont détruites par la déflagration. Pour le pont ferroviaire, la 3e travée fut pétardée sur les quatre membrures. Les trois travées de rive droite et les deux premières piles s’effondrèrent dans l’eau. Pour le pont routier, trois travées et deux piles sont détruites côté Cubzac, produisant une brèche de 190 mètres et endommageant la culée rive droite. La moitié du pont tomba dans la rivière. A 21 heures 45, tout était terminé, les deux ponts détruits et les Allemands partis.
Il y eut deux blessés à Cubzac ; deux grands blessés historiques...
© Texte de Christophe Meynard / ARHAL / Juillet 2022