La bataille de Castillon qui mit fin à la guerre de Cent Ans en 1453 est très connue, mais peu d’entre nous connaissent la bataille de Saint-Antoine.
Après les Guerres de Religion, la Fronde a été une époque troublée pour le Cubzaguais. Confiant dans l’avance qu’il croyait avoir sur l’armée royale, le prince Louis II de Condé (1621-1686) négligea de se protéger des armées ennemies. Il prit son quartier à «Saint-Andréas», lieu idéal pour faire passer ses troupes à Libourne.
Son ami Jean Baltazar de Cacheo arriva avec l’arrière-garde et s’installa à Saint-Antoine avec ses régiments. En voyant que Saint-Antoine n’était qu’un petit village incapable de loger ses régiments, il en envoya un à la Garosse mais il demeura à Saint-Antoine avec les trois autres de Gaudiez, Montpouillan et La Marcousse.
Aussitôt arrivé, on lui annonça que des militaires venaient dans le village pour loger. Quelle ne fut pas sa surprise de voir apparaître l’armée d’Henri de Lorraine, comte d’Harcourt (1601-1666), son ennemi, qu’il croyait non loin des rives de la Charente ! D’Harcourt avait laissé son infanterie à Barbezieux et se dirigeait vers Saint-André avec toute sa cavalerie, ses maréchaux des logis, 400 chevaux et les chevau-légers du Roi commandés par le chevalier d’Aubeterre. Pour faire face à l’attaque, le prince de Condé n’avait sous la main que des forces insuffisantes ; ses troupes étaient dispersées dans des quartiers éloignés les uns des autres. Sa défaite était inévitable si d’Harcourt n’eût renouvelé la faute déjà commise de faire succéder à une marche offensive une trop prudente attaque. Au lieu de foncer avec son armée à travers Saint-André de Cubzac, de couper en deux la cavalerie de Condé, il mit sa cavalerie en bataille en avant du village, puis fit assaillir Saint-Antoine, le quartier séparé que commandait Baltazar. Celui-ci monta un cheval et avec 20 cavaliers alla au-devant de l’ennemi qui le repoussa à Saint-Antoine d’où il chargea les troupes du Roi qui venaient d’arriver. Une partie des trois régiments fut battue dans Saint-Antoine avec tout l’équipage.
La perte fut de 1 200 hommes. Le marquis de Gaudiez y laissa même sa vie. En revanche, Condé fit prisonnier un capitaine d’un régiment royal et tua même La Vallée des Essarts, capitaine au régiment d’Aubeterre. Cette fausse manœuvre permit au prince de Condé de respirer pendant que Baltazar résistait difficilement. Le prince réunit sa cavalerie et chargea le comte d’Harcourt et la nuit venant, força les troupes du roi à la retraite vers Blaye. Le lendemain, le Grand Condé entrait à Bourg sans être inquiété. Il y fut rejoint par son frère le prince Armand de Conti qui s’était empressé d’accourir à sa rencontre. De là, les deux frères se rendirent à Libourne, puis à Périgueux.
Tel est le récit de la bataille de Saint-Antoine qui fut narré par Baltazar lui-même et par des historiographes du roi. Les versions divergent sur le nombre de tués (160 pour Baltazar, 1200 pour les historiens). On voit donc bien que l’engagement du 16 janvier 1652 fut des plus sérieux et mérite vraiment le nom de « bataille » que l’on lui a donné.
© Texte de Christophe Meynard / ARHAL / Avril 2020