Ancien site gallo-romain, puis nécropole mérovingienne et médiévale, la chapelle romane Saint-Étienne, datant du XIIe siècle, de taille modeste, plafonnée et pavée, était l’objet de la vénération des fidèles du quartier qui tenaient à reposer à l’ombre de ce vénérable édifice dont le cimetière était divisé en deux.
À plusieurs reprises, des tranchées creusées dans la rue Dantagnan ont mis à jour des ossements humains, mêlés, d’hommes, de femmes et d’enfants. En 1984, les recherches archéologiques menées par la section archéologie de l’Association des Œuvres Laïques (AOL), dirigée par l’archéologue cubzaguais Richard Boudet, ont permis de découvrir des vestiges céramiques et des monnaies romaines.
Le contexte de l’installation des Cordeliers
Au début du XVIIe siècle, Saint-André-de-Cubzac était une localité relativement importante, un centre pour les paroisses voisines, mais elle disposait d’un clergé réduit pour le service du culte. Le seigneur de la baronnie du Cubzaguès, Charles de Durfort, demanda en 1625 l’installation d’une communauté de religieux : les Franciscains, connus sous les noms d’Observantins ou de Cordeliers. L’archevêque de Bordeaux, le cardinal François de Sourdis, donna sa bénédiction, mais mourut avant de voir l’œuvre achevée. Le 2 juillet 1628, après le chant de l’office et de la messe, la chapelle Saint-Etienne fut inaugurée.
Quel était le plan du lieu ?
L’ordonnance épiscopale indique que les religieux devenaient propriétaires de l’ancienne chapelle, mais avec défense de la détruire et d’en construire une nouvelle, avec permission pourtant de la restaurer. La chapelle fut réparée, le clocher couvert d’ardoises, deux cloches installées. Le curé de la paroisse avait droit d’y venir en procession un seul jour, le jour de la fête de la Saint Roch, car un autel y était élevé. L’édifice fut garni d’ornements et d’objets de culte conservés dans la sacristie, le cloître fut construit ainsi que les diverses pièces d’usage : réfectoire, bibliothèque avec 80 volumes, salle du chapitre, cuisine, grenier, bucher, vaste chai… À l’étage étaient les onze chambres ou cellules pour les moines.
Les occupants étaient-ils nombreux ?
Au départ, sans doute une dizaine si l’on en juge par le nombre de chambres. En 1769, ils n’étaient plus que six et dans les dernières années, on comptait quatre prêtres et un frère lai. Pendant 163 ans, la vie des Cordeliers était organisée autour de la prière, de l’aide aux nécessiteux et aux pèlerins, et de la production de vin. Les religieux exerçaient leur ministère dans les églises et chapelles des environs, comme Magrigne, Grissac, Saint-Antoine, La Lande, Cubzac, Virsac, Salignac, Peujard ou Espessas.
Quels étaient leurs revenus ?
Les récoltes du jardin et du vignoble, le casuel, les quêtes en nature à domicile, les décimes pour services aux curés, etc. Il faut ajouter des messes de fondations, et surtout la garde de détenus mis par le Roi sous leur surveillance et dont les familles versaient des centaines de livres par an.
Les Cordeliers chassés de leur couvent
La Révolution de 1789 ne pardonna pas aux Cordeliers d’avoir joué un rôle sous l’Ancien régime et les balaya en quelques jours. Le 25 juin 1790, les scellés furent posés sur leurs biens et le père Clément Raveau remit les clés du couvent à la municipalité. Les Cordeliers n’étaient à cette époque plus que six. Le couvent était alors mis en vente par adjudication et acheté le 12 avril 1791 par un marchand de Saint-André, Jean Transon.
Au XIXe siècle, l’édifice fut transformé en fonderie de chandelles par Jean Firmin Pioceau en attendant qu’il devienne un entrepôt de diverses machines avec la famille Batailley. Sur l’emplacement des logements du couvent, (côté rue des Roses), se trouvait le cabinet médical du docteur Émile Dantagnan, qui a aussi été maire de Saint-André-de-Cubzac de 1878 à 1908.
La chapelle, du moins ce qu’il en restait, fut détruite en 1882.
La commune racheta les ruines du couvent dans les années 1980. Après la réalisation de fouilles archéologiques, une restauration des lieux mit au jour la porte Renaissance, une partie de la nef de l’église romane, plusieurs arcades et des sépultures mérovingiennes et du XVIIIe siècle. Une exposition permanente sur l’évolution humaine en Cubzaguais, contenant des objets archéologiques trouvés lors de fouilles, est aujourd’hui visible dans le cloître.
C’est ainsi que le cloître des Cordeliers continue d’écrire son histoire au présent, en accueillant depuis son inauguration le 6 mai 1994 la Médiathèque municipale.
L'histoire du Couvent des Cordeliers de Saint-André-de-Cubzac a été publiée dans la Revue de l'ARHAL n°23 (90 pages, illustrations en couleurs, 10 euros).
© Texte de Christophe Meynard / ARHAL /
Février 2021