Qui était vraiment Jean-Louis de Lanessan ? Gouverneur général de l’Indochine, Ministre de la Marine, élu (de gauche) de Paris, de la Seine, de Charente et de Lyon, ce Cubzaguais de naissance a laissé une trace tangible dans l’histoire maritime.
7 novembre 1919 à Écouen (Val d’Oise) : un « journaliste de talent, robuste et d’une grande activité », selon les journaux de l’époque, meurt à l’âge de 76 ans. La presse salue le philosophe, l’homme politique, le littérateur, l’expert du monde maritime en rappelant qu’il est né le 13 juillet 1843 à... Saint-André-de-Cubzac ! Arrière-petit fils d’un député du Tiers État aux États Généraux de 1789, il puise ses racines dans des familles fronsadaises, bourquaises et cubzaguaises. C’est de ses ancêtres gascons qu’il tenait sa verve, son savoir-faire, son entregent, sa finesse, mais il avait une volonté aussi tenace que celle qu’on attribue aux Bretons. Il en a donné des preuves dès son enfance. Il entre au collège des Jésuites de Sarlat en 1855. En seconde, il remporte le prix d’instruction religieuse et se fait remarquer par sa piété. À la faculté de médecine de Bordeaux, il remporte le 2e prix des élèves en médecine en 1861.
Il s’embarque alors et navigue pendant huit ans au large de l’Afrique et de la Cochinchine.
En 1870, il démissionne de la Marine et prend part à la guerre en tant que chirurgien-major des mobilisés de la Charente-Inférieure. En 1872, il est reçu docteur en médecine, puis en 1876 réussit l’agrégation d’histoire naturelle. Il enseigne à la faculté de médecine de Paris comme professeur de zoologie, mais il est destitué en 1878 pour participation à une manifestation « communale ».
Libre penseur assumé, il est initié à la loge Liberté de Conscience à l’Orient de Paris en 1878, puis devient vénérable, 18e Rose-Croix en 1896.
Il a également été membre du conseil de l’Ordre du Grand Orient de France.
Après la zoologie, Lanessan entame une carrière politique : conseiller municipal de Paris en 1879 (membre du groupe de l’autonomie communale), puis député d’extrême gauche du 5e arrondissement de Paris en 1881.
Il est rapporteur du budget de la Marine et des colonies. En octobre de cette année-là, il fonde le journal « Le Réveil », qu’il quitte en février 1882 pour prendre la direction de la revue « La Marseillaise » qu’il abandonne aussitôt. Ses idées politiques ayant subi alors une évolution notable, il est réélu député de la Seine en 1885 sous l’étiquette de républicain radical, indépendant et libéral. En 1886, il est envoyé 16 mois en mission dans les colonies de l’Extrême-Orient pour y étudier leur situation économique. Il visite successivement la Tunisie, les Indes anglaises et néerlandaises, la Malaisie, le Siam, le Cambodge, le Bas Laos, la Cochinchine, l’Annam, le Tonkin, la Chine et le Japon. Revenu en France, il est réélu député en 1889, mais il démissionne de ce poste pour devenir le 20 avril 1891 Gouverneur général de l’Indochine. Il y achève la pacification du Tonkin et dirige la guerre franco siamoise de 1893 avant d’être rappelé en France en 1894. Année durant laquelle, il tente de revenir à l’Assemblée nationale en se présentant à Bordeaux, mais il est battu. En 1898, il est élu à nouveau député, mais dans la 1ère circonscription de Lyon et il devient vice-président de la commission des colonies à l’Assemblée.
Il est choisi par Waldeck-Rousseau comme ministre de la Marine, poste qu’il occupe de 1899 à 1902. Pendant cette période, il tente de prendre des mesures de laïcisation au sein de la Marine (suppression du vendredi saint sur les navires, neutralité confessionnelle des officiers), mais s’attache surtout à faire adopter par le Parlement un programme de construction de six cuirassés et 123 navires. Il réorganise alors l’armée coloniale et modernise les grands ports des colonies : Dakar, Alger, Bizerte et Saïgon. Il est l’un des trois francs-maçons du cabinet. Il est réélu député en 1902, puis prend en 1904 la direction du journal « Le Siècle » et il y mène une campagne pour une conception libérale de la séparation de l’État et des Églises. Battu aux législatives de 1906, c’est en Charente-Inférieure, dans l’arrondissement de Rochefort, qu’il se fait élire député en 1910 pour une seule législature et siège dans le groupe de gauche démocratique. En 1914, il est battu une dernière fois et se retire de la vie politique.
Il meurt le 7 novembre 1919 dans sa propriété d’Écouen, dans le Val d’Oise.
© Texte de Christophe Meynard / ARHAL / Novembre 2019