Pierre Dufour est né le 6 septembre 1922 à Saint-André-de-Cubzac. ll a été élève de l’école communale des garçons où il se distingua par son esprit vif et curieux.
Bon en mathématiques, Pierrot était un jeune homme sans cesse en éveil, exigeant, au travail assidu et joyeux. Il souhaita devenir instituteur. Élève à l’École normale en 1939-1942, il partit alors à Mérignac où l’école était déplacée. Après avoir réussi ses épreuves de Brevet supérieur, il fut nommé instituteur dans sa ville natale, en charge du cours moyen. De l’avis de ces élèves, Pierre Dufour était un instituteur intelligent, gentil, enthousiaste, qui brillait en même temps que son beau caractère s’affirmait au milieu de ses élèves et que se développaient dans les exercices physiques et le sport, les qualités athlétiques de son corps. Jeune maître débordant d’activité, d’allègre confiance et de sympathie pour ses petits élèves, il méritait les éloges de ses supérieurs pour ses qualités pédagogiques. Sa carrière fut brutalement interrompue en juin 1943, car à l’heure des graves décisions, il n’hésita pas et fut réfractaire au Service du Travail Obligatoire (STO). Son objectif était de passer en Espagne pour rejoindre les Forces Françaises Libres, en Algérie ou en Angleterre. Il était conscient des risques qu’il prenait, il savait combien le passage des Pyrénées était difficile, car au-delà, c’était l’inconnu. Le 7 ou 8 août 1943, il prit le train à Bordeaux avec l’intention de descendre à Bayonne ou Saint-Jean-de-Luz et de s’engager ensuite dans la montagne. Repéré au niveau de Dax, arrêté par la Gestapo, il fut conduit à Bayonne puis à la prison de Biarritz. Un mois plus tard, il fut transféré au Fort du Hâ à Bordeaux où il subit les pressions tant physiques que psychiques, destinées à lui faire avouer le nom de ses amis. Son père, qui avait revêtu son uniforme de capitaine, se rendit au Fort du Hâ pour convaincre les officiers allemands de lui rendre son fils, le seul, sa raison de vivre. L’horreur absolue se profile : que la vie de son unique enfant dépende de sa capacité à le défendre. Il donna sa parole d’officier, jura que son fils n’était pas résistant. Il fut éconduit… Le 9 septembre, Pierre Dufour fut embarqué dans un car qui le conduisit à la gare Saint-Jean. Pendant le trajet, il réussit à écrire un message au crayon sur un bout de papier un petit mot avec l’adresse de son père : « Je pars de Bordeaux pour Compiègne et peut-être l’Allemagne. Je vous embrasse. Pierrot. 9 septembre. 19 heures. » À la gare, il laissa tomber le papier qui fut envoyé à sa famille. Dans une nouvelle lettre, longue cette fois, il expliquait tout. Il rendait hommage à son père en faisant allusion à sa captivité et à sa mère en citant sa force et son courage dans l’épreuve. Il leur parlait de l’amour qu’il avait reçu d’eux. Il les informait de son départ pour la déportation. Il leur disait adieu, mais aussi « je vous retrouverai ». Cette lettre est bouleversante. Emprisonné dans un camp de concentration à Büchenwald, il y mourut le 22 décembre 1943.
André et Antoinette Dufour ont écrit, envoyé des paquets, attendu des jours, des semaines. Un jour, dans les débuts du mois d’avril 1944, une lettre est arrivée et leur vie s’est arrêtée ce jour-là : Pierrot était mort à Büchenwald. Antoinette Dufour se réfugia dans une sorte d’absence à la vie, André Dufour pleurait encore, 25 ans après, en voyant ses petits-neveux, des petits enfants qu’il n’aurait jamais.
Le 22 décembre 1945 eut lieu une cérémonie commémorative à l’école des garçons de Saint-André-de-Cubzac et une plaque fut apposée en sa mémoire en présence des autorités et de sa famille. Depuis, l’école porte son nom.
Désormais, en passant devant l’école Pierre Dufour ou en allant chercher des enfants dans cette école, vous ne pourrez plus ignorer qui était Pierre Dufour.