Dans le centre de Saint-André-de-Cubzac, plusieurs rues ont changé de nom au début du XXe siècle afin de rendre hommage à des personnalités locales. Il en va des rues Charron, Dalzac, et de la rue Dantagnan, qui s’appelait jusqu’en 1915 rue Saint-Étienne. Mais qui est Émile-Martin Dantagnan ? Il est né le 26 octobre 1839 à Salignac. Son père était boulanger. A 28 ans, il épouse Lucie dite Dorothée Ménard, le couple n’a pas eu d’enfant. Élève au collège de garçons Sainte-Marie à Saint-André de Cubzac de 1852 à 1856, il suit ensuite des études de médecine. Reçut 7e au concours de l’internat pour les hôpitaux de Paris en 1865 et 26e au concours externe de médecine et chirurgie des hôpitaux et hospices civils en 1865, il soutient sa thèse en médecine sur l’Étude physiologique sur la glycosurie en 1866. Il installe la même année son cabinet médical à Saint-André, dans la rue Saint-Étienne.
Il s’engage volontairement lors de la guerre de 1870 et combat avec courage avec les mobilisés du bataillon formé par l’arrondissement de Blaye et le canton de Saint-André de Cubzac. Il guérit un grand nombre de militaires grâce à son dévouement sans borne. Il est médaillé de 1870-1871. Médecin de la douane, de la Gendarmerie, il est chargé en 1884 par le Ministère des Travaux publics de la surveillance médicale des travaux à air comprimé du pont ferroviaire de Cubzac. En 1878, il est élu conseiller municipal. Il fait alors partie du premier conseil municipal républicain de la commune. Il est nommé maire par décret préfectoral du 22 février 1878. Lors de son installation, il formait le vœu que les divergences de vues devaient s’arrêter après les élections et que lorsqu’il s’agirait des affaires de la communes, « les efforts s’uniraient pour faire le mieux ». Durant de longues années, il y réussit par une direction intelligemment ferme et il a été reconduit dans ses fonctions neuf fois avant de quitter le fauteuil municipal le 17 mai 1908, après 30 ans de mandat. Sa haute compétence des affaires administratives, son jugement sûr et droit et son intelligence toujours en éveil ont sauvegardé pendant de longues années les intérêts de la commune. Il réussit à amener grandeur et prospérité à la commune par une direction intelligemment ferme. Les conseils municipaux qu’il présida sans interruption pendant 30 ans ont doté la cité d’un important groupe scolaire, d’une école maternelle et de la Justice de paix.
Le 13 février 1898, il est remercié par le ministre de la Guerre pour son dévouement envers les militaires de la gendarmerie et leurs familles qu’il soignait gratuitement. Émile Dantagnan est décoré de la Légion d’honneur le 16 septembre 1900 au cours d’une journée festive mémorable en présence du ministre des Colonies, Albert Decrais (député de l’arrondissement), du sénateur bordelais David Raynal, du secrétaire général de la préfecture Boutard, du conseiller général Jean Quancard, du conseiller d’arrondissement Félix Bardeau... Les rues étaient pavoisées, les maisons reliées d’oriflammes, des lampions, des lanternes vénitiennes et des écussons dont un portait la grande croix de la Légion d’honneur, et des arcs de triomphe étaient ornés des mots suivants « Vive M. Dantagnan ». Le banquet festif se déroula dans la salle la plus grande du canton, la salle des concerts du Collège Sainte-Marie. Les 400 places ont été vite occupées et un grand nombre de personnes n’a pas pu prendre part au banquet. Cette fête a été une réussite qui a dépassé la splendide réception du maréchal de Mac-Mahon, président de la République, et de l’inauguration des ponts de Cubzac.
Propriétaire de plusieurs domaines viticoles à Salignac, Aubie-et-Espessas et à Peujard, le docteur Dantagnan exerçait également la profession de commissionnaire en vin.
En 1903, alors que la donation était faite à la commune de l’hôpital-hospice, Émile Dantagnan obtint du Ministère de l’Intérieur une généreuse subvention qui lui permit d’en faire compléter l’aménagement sans retard et dès 1904, l’hôpital était ouvert aux malades. En 1907, sa municipalité fit voter la construction de l’hôtel des Postes, bâtiment communal qui accueille aujourd’hui la mairie. Son activité administrative jointe à la collaboration de ses adjoints, le docteur Charron et Jean Jouanneau, lui faisait trancher toutes les difficultés et répondre au mieux à toutes les questions. Il ajoutait à cela une bienveillance et une bonté d’âme et de cœur qui le faisaient admirer des habitants. Au point de vue politique, le docteur Dantagnan, imbu des principes mêmes de la République, ne dérogea pas un seul instant à ces principes. Il n’était pas républicain de nom, il était républicain de cœur.
Frappé par des deuils cruels, l’affection chronique dont il souffrait s’aggrava pendant la guerre et le 6 décembre 1915, il s’éteint paisiblement dans sa belle maison du 11 rue Dalzac, à Saint-André de Cubzac.
En son souvenir, la rue où il avait son cabinet médical a été baptisée en 1915
« rue Émile-Martin Dantagnan ».
© Texte de Christophe Meynard / ARHAL / Décembre 2022